Festival Rilke 2016

Autant, si ce n’est davantage que celle d’autres écrivains classiques, la biographie de Rilke est auréolée d’une part de mythe, à laquelle ses années valaisannes n’échappent pas. D’où l’étroitesse de la marge d’action d’un festival centré, à Sierre, sur la figure du poète : le chemin à suivre est hérissé d’obstacles, qu’il s’agisse de poncifs commémoratifs ou de tentations monomaniaques. L’édition 2016 du Festival Rilke, qui coïncide avec le trentième anniversaire de la Fondation Rilke, a voulu relever ce défi : être une manifestation qui fait œuvre de mémoire et qui contribue à la réflexion sur la littérature et sur les arts, tout en intégrant activement la création contemporaine et les dimensions qui lui sont spécifiques dans le cadre de Sierre. Avec la silhouette de Rilke constamment à l’horizon, le Festival explore et rassemble différents domaines artistiques – poésie, théâtre, musique, cinéma –, dans un esprit d’interdisciplinarité, d’ouverture et d’échange, dont le premier signe est son bilinguisme affiché.

Partant du présupposé que le rapport de Rilke au Valais peut être considéré comme une étape témoin de sa relation à la nature, à l’Histoire, à la création littéraire, le programme du Festival 2016 s’articule autour d’un motif majeur, tant sur le plan biographique que thématique : celui de la tour. Au fil des textes du poète, celle-ci apparaît comme une métaphore de l’existence humaine ; son espace réunit spiritualité et sexualité, introspection et refuge, rêve et conscience, angoisses et ascension, solitude et guérison. Autant d’éléments qui, déclinés dans l’œuvre, mais aussi mis en dialogue avec d’autres productions artistiques, ainsi qu’avec le contexte culturel contemporain, dotent notre manifestation d’un fil rouge cohérent.

Installée par l’architecte Luca Ortelli au cœur de la ville de Sierre, à la rue du Bourg, une tour éphémère est à la fois l’emblème du Festival, et l’espace dans lequel chaque visiteur qui le désire peut faire l’expérience de l’« isolement relié » vécu par Rilke à Muzot. Ce dernier épisode de sa vie est mis en perspective par l’exposition présentée dans les Caves de la Maison de Courten par la directrice de la Fondation Rilke, Brigitte Duvillard, et contextualisé par la conférence de Gaëtan Cassina. Le court-métrage spécialement réalisé par Natalia Gadzina, Une voix presque mienne, à découvrir au cinéma du Bourg avec d’autres films en lien avec Rilke, déchiffre les paysages autour de Sierre pour évoquer, à travers l’image, l’ombre du poète qui les habite. Quant à Un refuge pour l’hiver et À l’épreuve de Muzot, les deux lectures scéniques conçues par Bruno Pellegrino, elles illustrent et amplifient la thématique de la tour en plongeant directement dans les textes de Rilke. Et c’est le timbre du poète qui inspire également le volet musical du programme, aussi bien dans le concert de l’Ensemble Lemniscate, avec le cycle des cinq Rilkelieder du compositeur suisse Gérard Zinsstag, que dans Les Chants de l’aube de Fabienne Marsaudon.

Faire revivre une voix ancienne devenue intemporelle, faire entendre des voix vivantes d’aujourd’hui : au centre de la manifestation, nous avons souhaité placer les rencontres avec des poètes de langue française et de langue allemande, sensibles à l’œuvre de Rilke, mais surtout créateurs d’univers singuliers en prise sur les réalités contemporaines. Pendant le Festival, dans plusieurs cafés de Sierre, la poésie s’incarnera à proximité de son public, grâce à Gerhard Falkner et Nora Matocza, Rolf Hermann, Uwe Kolbe, Jean-Michel Maulpoix, Laurence Verrey, Pierre Voélin, Alexandre Voisard. Comme le rappelle, dès la soirée d’ouverture, le récital d’Alexandre Voisard et Jacques Bouduban, c’est Au plaisir du poème que sont consacrés ces trois jours hors du commun.

La commission artistique

Festival Rilke 2016: affiche

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